Un Plan Sud pour le Québec
Protéger notre patrimoine naturel et s'adapter aux changements globaux
Appel à la collaboration pour la rédaction d’un Livre blanc pour la biodiversité dans le Sud Québec
Un grand merci à toutes celles et ceux qui ont répondu à notre questionnaire !
Nous sommes présentement en train d’analyser vos réponses pour débuter la rédaction du Livre blanc. Une version préliminaire sera envoyée aux personnes qui en auront fait la demande.
Pour toutes questions vous pouvez nous contacter à livreblancquebec@gmail.com
Le Livre blanc
Protéger le sud du QuébecAlors que la protection des milieux naturels dans le Nord du Québec fait les manchettes depuis quelques années grâce à la préservation de vastes territoires, de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer une stratégie pour le Sud.
Le Sud du Québec subit des pressions de développement importantes, soutenues depuis des décennies et fait face à de forts arbitrages pour l’utilisation du territoire dans un modèle de développement qui évolue peu.
Ces pressions affectent la biodiversité et induisent par le fait même de profonds changements dans les fonctions et les services rendus par les écosystèmes dont dépendent de nombreux secteurs économiques, et plus globalement, notre bien-être individuel et collectif. Ces impacts sont d’autant plus importants que la biodiversité et les écosystèmes sont généralement reconnus comme la base de toute stratégie d’adaptation aux changements climatiques.
Pour que la société québécoise puisse faire face aux changements climatiques et aux impacts d’autres pressions environnementales locales et globales, il est aujourd’hui nécessaire de développer une autre relation à notre patrimoine naturel dans le Sud du Québec. La demande sociale grandissante pour la protection de l’environnement souligne d’autant plus l’importance de ces enjeux pour de nombreuses parties prenantes, et la possibilité de dégager un large consensus face aux actions à mettre en œuvre par les parties.
Le Centre de la Science de la Biodiversité du Québec (CSBQ), la Chaire de recherche du Canada en économie écologique, la Chaire Liber Ero et le Réseau de Milieux Naturels protégées du Québec (RMN), ont initié le projet d’un Livre blanc pour le Sud du Québec soit toute la partie de la province qui n’est pas visée par le Plan Nord (voir carte plus bas).
Objectif de la démarche
Nous souhaitons rédiger un Livre blanc pour proposer une vision consensuelle et des orientations en prévision de la mise en œuvre d’un véritable « Plan Sud ». La première étape pour l’élaboration de ce Livre blanc est de rassembler les problèmes observés par les différents acteurs concernés pour ensuite élaborer de grandes orientations pragmatiques que le Québec devrait suivre. La démarche de consultation, de rédaction et de diffusion du Livre blanc se veut inclusive et basée à la fois sur la science, le dialogue et le respect des réalités propres aux différentes partie prenantes de la société québécoise.
La première phase de consultation consistait à remplir un questionnaire avant le 4 décembre 2020. Les résultats seront utilisés pour définir les grandes lignes du Livre blanc. La deuxième phase de consultation consistera à partager une première version du Livre blanc aux acteurs et chercheurs intéressés pour obtenir leurs commentaires. Ces derniers nous serviront à finaliser le Livre blanc.
Quel est le problème ?
Les enjeux environnementaux constituent aujourd’hui l’un des principaux défis auxquels fait face l’humanité. À l’heure actuelle, 75 % de la surface terrestre est altérée, 66 % des océans subissent des impacts cumulatifs croissants et plus de 85 % de la surface des milieux humides ont disparu1. Jusqu’à 1 million d’espèces différentes sont menacées de disparition2 et 60% des populations de mammifères, oiseaux, poissons, reptiles et amphibiens ont diminué3. À l’échelle mondiale, entre 235 millions $ et 577 millions $ des cultures agricoles sont à risque à cause de la disparition de pollinisateurs2. Dans le rapport 2020 du Forum économique mondial sur les risques mondiaux, les problèmes environnementaux représentent les cinq premiers risques qui menacent l’humanité et les systèmes économiques, dont la perte de biodiversité, l’échec de l’action climatique et les catastrophes naturelles4.
Quelle est la source du problème ?
Selon la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, cinq facteurs directs sont responsables des impacts les plus lourds sur l’environnement à l’échelle mondiale1,4. Dans l’ordre décroissant, il s’agit de la modification de l’utilisation des terres et des mers, des changements climatiques, de la surexploitation directe des organismes et ressources naturelles (ex. chasse, pêche, foresterie), de la pollution et des espèces exotiques envahissantes1,4.
Pourquoi devrions-nous protéger le patrimoine naturel ?
Non seulement la biodiversité et les écosystèmes offrent des services socio-économiques essentiels aux êtres humains mais ils peuvent également nous permettre de lutter efficacement contre les changements climatiques5,6,7. Il a d’ailleurs été montré que près du tiers des efforts requis pour l’atténuation des changements climatiques et pour limiter la hausse globale des températures à 2°C d’ici 2030 passent par des solutions basées sur la nature5. Ainsi, les activités humaines et les changements globaux qui détériorent ce patrimoine naturel ont des conséquences néfastes sur l’humanité7,8,9,10.
Outre les dommages sociaux, pallier la disparition de certains services écosystémiques est très couteux, tels que la filtration de l’eau et la régulation des inondations. C’est pour cette raison que la ville de New York a décidé de protéger le bassin versant Catskill/Delaware qui lui fournit 90% de son eau potable, ce qui lui a évité de dépenser 6 milliards $ pour la construction d’une usine de filtration ainsi que 300 millions $ d’entretien annuel pour une telle usine11. Ceci est sans compter les emplois et le bien-être associés aux activités de pleins air effectuées dans cet espace protégé.
Les menaces qui pèsent sur le patrimoine naturel québécois
Les changements globaux ressentis à l’échelle planétaire se cristallisent aussi à l’échelle du Québec. Nous ressentons ainsi à divers degrés les perturbations notamment dues aux changements climatiques, à la pollution systémique, aux espèces envahissantes et au changement d’utilisation des terres. À cet effet, les impacts de l’étalement urbain et de la conversion de milieux naturels en d’autres usages sont bien connus. À titre d’exemple, entre 40% et 80% des milieux humides ont disparu dans la vallée du bas Saint-Laurent à cause des activités humaines et seulement 12% des milieux humides restant étaient protégés en 201212.
Les pressions exercées sur le patrimoine naturel par les changements globaux exercent une menace autant sur les systèmes naturels qu’humains et engendreront dans les prochaines années des coûts économiques, sociaux et environnementaux importants13,14,15.
Quelques exemples
L’agrile du frêne, une espèce envahissante, a déjà causé beaucoup de dommages socio-économiques au Québec. Ceci est sans compter les dépenses pour assurer la sécurité des citoyens, les impacts sur les îlots de chaleur, la perte de couverts forestiers matures, etc. De plus, des prédictions scientifiques suggèrent que les changements climatiques entraineront une augmentation de la fréquence et de l’intensité des feux13, des vagues de chaleurs et des mortalités associées plus fréquentes14 ainsi qu’une augmentation de la gravité des inondations15.
L'importance du patrimoine naturel québécois
Les milieux naturels québécois sont très importants pour protéger la population de la province des changements globaux5,7,8 et le maintien de la biodiversité permet notamment d’accroître la résilience de ces milieux face à ces changements5,7,8. Il est donc primordial d’en assurer sa protection. La biodiversité et les écosystèmes du Québec sont riches et diversifiés. Au-delà de leur essentielle contribution à la santé écologique du territoire, ils offrent de nombreux bénéfices essentiels au bien-être de la population québécoise. Ces « services écosystémiques » se révèlent autant sous forme de services d’approvisionnement, comme les biens alimentaires et produits forestiers, de régulation, tels la pollinisation ou l’approvisionnement en eau, que culturels, patrimoniaux et récréotouristiques 1,7.
De nombreuses études ont mesuré non seulement la valeur écologique du patrimoine naturel du Québec, mais aussi son importance sociale, économique et sanitaire. Certains bénéfices tirés de la ceinture verte du Grand Montréal, tels que la régulation du climat et des inondations, ont été estimé à environ 4,29 milliards $/an dont 2,9 milliards $/an proviennent des écosystèmes forestiers et 611,2 millions $/an des milieux humides9. Par ailleurs, ce patrimoine naturel permet, par son accessibilité, à de nombreux québécois de pratiquer des activités de plein air. Ce secteur d’activités revêt une grande importance culturelle et économique chez nous. En 2017, une étude de la Chaire de tourisme de l’UQAM révélait que l’industrie du plein air du Québec avait contribué à hauteur de 2,2 milliards $ à l’économie de la province pour l’année 2016-201716.
Besoin de nouvelles initiatives pour protéger le patrimoine naturel du québec
L’augmentation de la protection des milieux naturels fait partie des solutions proposées par de nombreux experts qui ont souligné l’importance et l’urgence d’agir1,3,4,6,7. Pour plusieurs, ces initiatives ne sont toutefois pas suffisantes pour s’adapter adéquatement aux changements globaux et préserver notre patrimoine. Il est donc important d’identifier toutes mesures nécessaires pour y parvenir, par le biais d’une stratégie réfléchie, un Plan Sud. Nous souhaitons que le Livre blanc en soit un des pilier.
Membres du comité directeur du Livre blanc pour la biodiversité dans le Sud du Québec
Auzel, Philippe
Directeur associé du Centre de la science de la Biodiversité du Québec
Caillié, Brice
Chargé de projets, Réseau de Milieux Naturels du Québec
Dupras, Jérôme
Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique
Gonzalez, Andrew
Directeur fondateur du Centre de la science de la Biodiversité du Québec.
Lafortune, Julie
Directrice adjointe de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique.
Paris, Andréanne
Directrice du CRE de Montérégie et co-responsable du comité Biodiversité et aires protégées du RNCREQ
Petit, Caroline
Agente de recherche de la Chaire de recherche du Canada en économie écologique.
Vaillancourt, Martin
Directeur général du Regroupement National des Conseils Régionaux de l’Environnement du Québec
Vermette, Véronique
Directrice générale par intérim, Réseau de Milieux Naturels du Québec
Références
1. Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES). 2019. Global assessment report on biodiversity and ecosystem services. https://ipbes.net/global-assessment
2. Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services (IPBES). 2020. https://ipbes.net/news/Media-Release-Global-Assessment
3. WWF. 2018. Living Planet Report. 2018: Aiming Higher. Grooten, M. and Almond, R.E.A.(Eds). WWF, Gland, Switzerland.
4. World Economic Forum. 2020. Nature Risk Rising: Why the Crisis Engulfing Nature Matters for Business and the Economy. http://www3.weforum.org/docs/WEF_New_Nature_Economy_Report_2020.pdf
5. Griscom B.W., Adams J., Ellis P.W., Houghton R.A., Lomax G., Miteva D.A., Schlesinger W.H., Shoch D., Siikamäki J. V., Smith. P., Woodbury, P., Zganjar, C., Blackman, A., Campari, J., Conant, R. T., Delgado, C., Elias, P., Gopalakrishna, T., Hamsik, M. R., Herrero, M., Kiesecker, J., Landis, E., Laestadius, L., Leavitt, S. M., Minnemeyer, S., Polasky, S., Potapov, P., Putz, F. E., Sanderman, J., Silvius, M., Wollenberg, E., Fargione J. 2017. Natural climate solutions. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 114 (44):11645-11650.
6. Smart Prosperity Institute. 2020. Nature-Based solutions: Policy options for climate and biodiversity. Écrit par: Monahan, K., Filewod, B., McNally, J., Khalaj S. https://institute.smartprosperity.ca/sites/default/files/nbsreport.pdf?_ga=2.75458130.1564527466.1583329290-40284835.1583329290
7. Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). 2018. Special Report: Global Warming of 1.5 ºC. https://www.ipcc.ch/sr15/chapter/chapter-1/
8. Millennium Ecosystem Assessment. 2005. Ecosystems and Human Well-being: Biodiversity Synthesis (World Resources Institute, 2005).
9. Cardinale, B. J., Duffy, J. E., Gonzalez, A., Hooper, D. U., Perrings, C., Venail, P., Narwani, A., , Mace, G. M., Tilman, D., Wardles D. A., Kinzig, A. P., Daily, G. C., Loreau, M., Grace, J. B., Larigauderie, A., Srivastava D. S, et S. 2012. Biodiversity loss and its impact on humanity. Nature, 486(7401), 59–67. doi:10.1038/nature11148
10. Dupras, J. Michaud, C., Charron, I., Mayrand, K., Revéret, J-P. 2013. Le capital écologique du Grand Montréal : une évaluation économique de la biodiversité et des écosystèmes de la ceinture verte. Rapport préparé par le Groupe AGÉCO pour la Fondation David Suzuki et Nature-Action Québec.
11. Postel, S. L. et Thompson, B. H. 2005. Watershed protection: Capturing the benefits of nature’s water supply services. Natural Resources Forum, 29(2), 98–108. doi:10.1111/j.1477-8947.2005.00119.x
12. Dupras, J., Alam, M. 2014. Urban Sprawl and Ecosystem Services: A Half Century Perspective in the Montreal Area (Quebec, Canada). Journal of Environmental Policy & Planning, 17(2), 180–200. doi:10.1080/1523908x.2014.927755
13. Wotton, B. M., Flannigan, M. D., & Marshall, G. A. 2017. Potential climate change impacts on fire intensity and key wildfire suppression thresholds in Canada. Environmental Research Letters, 12(9), 095003. doi:10.1088/1748-9326/aa7e6e
14. Doyon, B., Bélanger, D., & Gosselin, P. 2008. The potential impact of climate change on annual and seasonal mortality for three cities in Québec, Canada. International Journal of Health Geographics, 7(1), 23. doi:10.1186/1476-072x-7-23
15. Roy, L., Leconte, R., Brissette, F. P., Marche, C. 2001. The impact of climate change on seasonal floods of a southern Quebec River Basin. Hydrological Processes, 15(16), 3167–3179. Doi:10.1002/hyp.3231
16. Chaire de tourisme Transat ESG UQAM. 2017. Étude des clientèles, des lieux de pratique et des retombées économiques et sociales des activités physiques de plein air. https://chairedetourisme.uqam.ca/upload/files/%C3%89tude_Plein_air_rapport_final.pdf
17. Convention on Biological Diversity. 2010. Strategic plan 2011-2020: Aichi Targets. https://www.cbd.int/sp/targets/
18. MELCC 2020. Registre des aires protégées. http://www.environnement.gouv.qc.ca/biodiversite/aires_protegees/registre/